Les coureurs ont vécu l’enfer durant cette Flèche wallonne : “J’avais des glaçons en bouche”
La pluie et le froid ont fait de Flèche wallonne une course apocalyptique.
- Publié le 18-04-2024 à 06h14
Quand le soleil a pointé le bout de son nez dans la dernière heure de course, les spectateurs massés le long des barrières en haut du Mur de Huy ont poussé une clameur générale. C’est qu’ils étaient trempés jusqu’aux os. La pluie et surtout le froid avaient déjà fait leur œuvre. Dès le départ de Charleroi, les coureurs ont dû se farcir des conditions apocalyptiques. Le thermomètre affichait péniblement 6-7 degrés et, comme l’expliquera Philippe Gilbert sur les antennes d’Eurosport : “Lorsqu’on roule, le ressenti est encore plus froid. Sur le vélo, les gars ont dû avoir l’impression qu’il y avait presque une température négative.”
J'ai un peu cafouillé avec mes vitesses parce que mes doigts étaient gelés.
Certes, certains, comme le Français Vauquelin, 2e de cette Flèche wallonne, ont bien géré ces conditions. “Lors du sprint, j’ai un peu cafouillé avec mes vitesses parce que mes doigts étaient gelés, dira le coureur d’Arkéa-B&B Hotels. On savait à quelles conditions s’attendre. J’étais préparé à ce que ce soit exigeant. J’ai eu très froid, comme tout le peloton, mais je me suis bien couvert dès le départ.”
Seulement 44 coureurs à l’arrivée !
Reste qu’à voir leurs gueules défoncées, la plupart des 44 combattants qui sont allés au bout de la course faisaient presque peur à voir. Ils avaient les traits tirés et leurs visages portaient les stigmates de la souffrance. Ils étaient gris, comme si le froid avait eu un impact sur la pigmentation de leur peau. Stephen Williams, l’inattendu vainqueur, était tellement frigorifié qu’il avait éprouvé toutes les difficultés à lever les bras en franchissant la ligne.
”C’était si difficile ! J’ai juste essayé de répéter les gestes que je fais habituellement en m’alimentant bien et en restant couvert. En fait, tu fais le maximum pour te réchauffer, mais, parfois, tu n’y parviens pas”, lancera le Britannique.
Ce n’est qu’une demi-heure plus tard qu’il retrouvera le sourire et une certaine consistance. Il ne sera certainement pas le seul à se souvenir longtemps de cette journée. “C’était épique, eut juste la force de dire Benoît Cosnefroy (4e). Les 80 derniers kilomètres, j’étais gelé. Je ne pensais pas faire l’arrivée. Cela fait longtemps que je n’ai pas été dans cet état. J’ai vraiment très, très froid. C’est une des pires journées sur un vélo, la pluie était très froide, avec de la neige par moments. Une journée que je veux vite oublier…”
Ceux qui étaient là à l’époque se souviendront qu’en 1999, Michele Bartoli s’était imposé dans des conditions similaires. Maxim Van Gils n’était pas encore né. Son excellent résultat (3e) l’a conforté dans l’idée qu’il roule bien sous la pluie. Mais ce n’est pas pour ça qu’il l’apprécie. “Aujourd’hui, il a vraiment fallu survivre, avouera-t-il même au pied du podium. À un moment, j’avais l’impression d’avoir des glaçons en bouche et le froid me faisait mal aux jambes. Soudainement, il y a eu de la grêle et même de la neige. C’était terrible.”
”J’ai trop froid, je vais au chaud, appelle-moi après la douche”, parviendra à glisser le jeune Romain Grégoire, ancien vainqueur de Liège-Bastogne-Liège espoirs ou de la Flèche ardennaise. À quelques mètres du Français, les yeux hagards alors que son soigneur tentait de le réchauffer en lui donnant des vêtements secs, Guillaume Martin semblait marquer le coup. “C’était complètement dingue, ce temps, raconta le grimpeur de Cofidis. Je crois que cela a été une des plus dures éditions de la Flèche wallonne de l’histoire. J’ai cru que ma course allait s’arrêter au premier passage du Mur, car j’ai voulu m’habiller chaudement. Je me suis retrouvé loin, mais j’ai réussi à revenir dans le coup, au mental.”
Le mental, Luca Van Boven l’avait aussi. Le jeune Belge était bien dans le coup dans le groupe des hommes forts. “J’étais content d’être là, mais, même si je résiste habituellement bien au froid, j’étais vraiment en mode survie avec ce froid, l’orage et même des grêlons !”
Johan Meens, son coéquipier de Bingoal WB est passé du chaud au froid d’un coup. De la chaleur des applaudissements de l’échappée au coup de froid qui s’est abattu sur les survivants. “On savait qu’il allait pleuvoir, mais pas qu’il ferait si froid”, souffla-t-il. Les commissaires motos se souviendront aussi de cette journée. “Pour la première fois, après une course, je ne vais pas prendre un Orval mais un bon chocolat chaud”, a commenté l’un d’eux…
Mattias Skjelmose porté par un mécanicien
Mattias Skjelmose a, lui, vécu l’enfer. Le Danois a dû abandonner assez tôt. Les muscles tétanisés par le froid, il a même dû se faire porter par un mécano jusqu’à une voiture. Cette image illustrera pleinement les conditions apocalyptiques d’une Flèche wallonne dantesque.